Stade d’athlétisme et football : mutualiser ou non les équipements ?

Sur le sujet de l’aménagement des équipements sportifs de manière générale, de nombreuses collectivités doivent composer avec de multiples interlocuteurs, dont les priorités ne sont pas toujours compatibles les unes avec les autres.

Stade René Gaillard

Le Stade René Gaillard à Niort

La mutualisation d’une enceinte sportive pour plusieurs associations sportives est souvent privilégiée. En effet, cela permet de répondre à de nombreux besoins tout en maîtrisant les coûts d’investissement et de fonctionnement, dans un contexte ou le foncier disponible est souvent limité.

En revanche, cela pose très régulièrement des problèmes de conflits d’usage, et devient source de tensions entre les associations qui partagent l’équipement.

Les stades d’athlétisme sont particulièrement touchés par ces conflits. La mutualisation est quasi systématiquement mise en place sur ces équipements, avec un partage d’activités football ou rugby et athlétisme, compte tenu de l’emprise foncière nécessaire et des coûts liés à de telles infrastructures.

Dans l’absolu, il est vrai que les configurations des aires sportives sont tout à fait compatibles : Un terrain de foot à 11 règlementaire rentre parfaitement au centre d’un anneau de 400m règlementaire. L’aire de jeu en herbe peut théoriquement réceptionner les grands lancers (javelot, marteau, disque). C’est d’ailleurs comme cela que sont construits la plupart des stades d’athlétisme en France. Les tribunes et annexes sportives (vestiaires, sanitaires, locaux de rangement, etc..) peuvent servir pour les 2 sports, et une planification coordonnée permet d’accommoder les compétitions organisées tour à tour.

On comprend dès lors que les collectivités privilégient cette mutualisation en phase de programmation : Cela génère des économies sur le foncier, sur l’investissement et sur le fonctionnement.

Cependant en pratique, la mutualisation des équipements peut se révéler problématique dans le fonctionnement quotidien, et représenter un vrai casse-tête pour les Services concernés par la gestion et les relations avec les associations.

Des pratiques incompatibles

Le principal point de tension relève de la non compatibilité des pratiques. Par exemple, la section de lancers d’un club d’athlétisme ne pourra pas s’entraîner en même temps qu’une équipe de foot, pour des raisons de sécurité évidentes.  Se pose dès lors la question de l’attribution des créneaux. Les créneaux d’entraînement du soir en semaine sont particulièrement concernés quand il s’agit de composer avec plusieurs équipes et plusieurs tranches d’âges.

D’autre part, les joueurs de foot devant nécessairement traverser la piste pour accéder au terrain, ces croisements de flux entre les coureurs et les joueurs peuvent poser un problème de sécurité (collision notamment).

A noter également que le revêtement synthétique des pistes d’athlétisme ne supporte pas bien les crampons des chaussures et la boue transportée sur celles-ci, et se dégrade ainsi plus rapidement.

Dans les cas où le terrain de football sert de terrain d’honneur réservé pour les compétitions, le club n’accepte généralement pas que la pelouse réceptionne les engins de lancers par souci de garder la qualité de la pelouse.

Les tracés du terrain sont également incompatibles avec les lignes de la zone de réception des engins.

Le club d’athlétisme n’a donc pas de solution de repli, sauf à prévoir une cage de lancers annexe sur le site (et le foncier associé pour la zone de réception).

Le terrain n’est pas le seul point de friction. L’utilisation des vestiaires peut également dans certains cas générer des tensions : les équipes premières des clubs de football ont de plus en plus tendance à s’approprier un vestiaire à demeure (souvent avec l’accord tacite de la collectivité), et de l’aménager à leurs couleurs. En l’absence de club-house dédié, le vestiaire principal accueille aussi les trophées gagnés, fanions, et autres éléments propres à l’équipe.

Ceci peut être mal perçu par les autres usagers de l’équipement, qui y voient une inégalité de traitement.

Le cas du football professionnel

Le cas d’une mutualisation avec une équipe de football professionnel apporte son lot de contraintes supplémentaires en plus de celles citées plus haut, notamment au niveau de l’expérience spectateur. Les Ligues préconisent en effet que les tribunes soient au plus près du terrain. La piste fait ainsi obstacle et éloigne le public de l’action. Pour le club de football résident, cela a un impact en termes de perte de points sur la Licence Club.

Le cas du complexe de la Venise Verte à Niort illustre parfaitement cette problématique, le stade René Gaillard actuel accueillant à la fois les Chamois Niortais (L2) et le Stade Niortais Athlétisme. Le projet de restructuration à venir prévoit désormais la séparation des activités. Chaque club aura d’ici quelques années son propre stade au sein du même complexe sportif.

Quelle solution pour les collectivités ?

Compte tenu des difficultés constatées, la collectivité se doit de bien prendre en compte le contexte local dans sa démarche de construction ou de réhabilitation d’un stade d’athlétisme.

En fonction de la configuration de son tissu associatif, du relationnel entretenu avec chaque club, et de ses capacités foncières et financières, la mutualisation peut rester une solution tout à fait appropriée.

Dans la mesure ou un dialogue constructif peut être entretenu dans la durée entre les Services et les clubs concernés. Avec un minimum de bonne volonté, il n’y a pas de raison que la mutualisation ne fonctionne pas. Il faudra toutefois bien prendre en compte les besoins spécifiques des sections de lancers, afin de permettre une pratique sereine et compatible avec l’activité football.

Cependant, il est possible qu’une situation existante où les conflits sont récurrents nécessite une séparation des activités à terme si le dialogue devient impossible entre les clubs. Les Fédérations concernées (FFF et FFA) préconisent désormais une séparation des pratiques dans le cas de constructions neuves dès lors qu’un club professionnel ou un club d’athlétisme évoluant au niveau national est concerné.

Dans tous les cas, une étude de faisabilité précise et approfondie pourra rassurer la collectivité sur son choix, et un programme technique et fonctionnel de qualité garantira la pérennité des usages.

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